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Acheter un TAB pour le découper : le notaire doit-il valoriser les lots pour éviter le risque de TVA sur le prix lorsque chaque lot pourrait se voir appliquer une TVA sur marge ?

Lorsqu’un marchand de biens ou un promoteur cède un terrain à bâtir, la TVA due à l’occasion de cette transaction est assise sur la marge lorsque l’acquisition initiale n’a pas ouvert, pour ce professionnel, droit à déduction. L’administration fiscale précise toutefois qu’il n’y a toutefois lieu de rechercher le régime de l’acquisition afin de déterminer la base d’imposition que pour les seules livraisons d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°20, 02 mars 2016), c’est- à -dire de terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeubles bâtis ou d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans qui ont été acquis précédemment en l’état d’immeuble déjà bâti.

Ainsi, lorsqu’un professionnel acquiert un terrain à bâtir et revend un terrain à bâtir, la TVA exigible lors de la revente est assise sur le prix total, si l’acquisition initiale avait ouvert droit à déduction, ou sur la marge, dans le cas contraire ; en revanche, si ce professionnel revend sous la forme de terrain à bâtir un immeuble qu’il avait acquis comme immeuble bâti, l’opération sera soumise à la TVA sur le prix total. Pour déterminer si l’acquisition initiale d’un terrain à bâtir a ouvert droit à déduction, il convient de se référer à la fiscalité de l’acte d’acquisition ; il en va ainsi lorsque l’acquisition initiale a été soumise aux droits d’enregistrement, lorsqu’aucun montant de taxe déductible ne figurait dans l’acte d’acquisition (la condition formelle d’ouverture du droit à déduction n’étant pas alors respectée), ou lorsque la TVA perçue lors de l’acquisition a fait l’objet d’une auto-liquidation par le marchand de biens acquéreur, c’est-à-dire lorsque la vente était consentie moyennant un prix « hors taxes ».

Controverse. Plusieurs réponses ministérielles sont intervenues pour préciser qu’en cas de division parcellaire intervenue entre l’acquisition initiale et la cession ayant entraîné un changement de qualification ou un changement physique (telle une modification des superficies vendues par rapport à l’acte d’acquisition), la taxation doit se faire sur le prix de vente (Rép. Min. n°91143 à M. Carré : JOAN 30 août 2016, p. 7769 ; Rép ; Min. n°96679 à M. Bussereau : JOAN 20 sept. 2016, p. 8522) : cette position emporte pour conséquence d’assujettir systématiquement les reventes de lots réalisées par des marchands de biens ou des lotisseurs à la TVA sur prix, sauf dans l’hypothèse où une division parcellaire avait été réalisée avant d’acquisition initiale.

Ces réponses ministérielles n’ont cependant pas (encore) été intégrées dans le bulletin officiel des finances publiques (Bofip).

Valeur juridique ? On ne peut faire abstraction du fait que la doctrine administrative ne jouit d’aucune légitimité normative : les instructions fiscales, les réponses des ministres aux membres du Parlement, les décisions individuelles et les rescrits fiscaux n’ont pas la qualité de dispositions normatives, mais sont toutefois opposables à l’administration par les contribuables dès lors qu’elles participent d’interprétations de la loi fiscale (CE 22 décembre 1982, req. n°24003 : RJF 2/83, n°212 ; CE 9è et 8è ss-sect., 6 juin 1984, req. n°58126 : RJF 8-9/84, n°915 ; CE 9è et 8è ss-sect., 13 novembre 1987, req. n°17369 : RJF 1/88, n°74) ; la portée de ces interprétations est particulièrement limitée, dans la mesure où l’administration fiscale ne peut se prévaloir de ses propres instructions pour justifier une imposition (CE 7è, 8è et 9è ss-sect., 26 juillet 1985, req. n°45149 : RJF 10/85, n°1283 ; CE 8è et 9è ss-sect., 27 février 1989, req. n°57066, La Résidence du Bocage : RJF 4/89, n°423) : elles ne peuvent, dans ces conditions, peuvent fonder une décision administrative, qui serait alors elle-même contraire à la loi (CE 9è et 8è ss-sect., 30 janvier 1987, req. n°53004 : RJF 3/87, n°306). Ces principes permettent aux lotisseurs, autant qu’aux notaires, de faire abstraction de la doctrine exprimée dans ces réponses ministérielles restreignant le champ d’application de la TVA sur marge.

La jurisprudence a, en tout état de cause, pris le contre-pied de l’administration fiscale et infirmé cette doctrine en considérant que l’administration ne saurait exiger l’existence d’une division parcellaire et d’une ventilation du prix d’achat au stade de l’acquisition initiale pour refuser l’application de la TVA sur marge (TA Grenoble, 14 nov. 2016, n°140-3397 : Jcl. Constr-. Urb. mars 2017, p. 28, comm. 45). Le raisonnement des juges s’est fondé sur le fait que dans le cas de revente par lots d’un immeuble acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte, à raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base de la différence entre le prix de vente de ce lot, d’une part et son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d’achat global de l’immeuble, d’autre part.

En pratique, il convient de se référer au statu quo ante dégagé par l’administration fiscale au lendemain de la réforme de 2010 et de considérer que :

– si la vente porte sur un bien de nature identique à celui qui a été acquis (terrain acquis comme terrain à bâtir, puis revenu comme tel), la revente doit être soumise à la TVA sur la marge ;

– mais si la vente sur un bien de nature différente de celui qui a été acquis (terrain acquis comme immeuble bâti, puis revenu comme terrain à bâtir), la revente doit être soumise à la TVA sur le prix.

Ainsi, en cas d’achat d’un terrain à bâtir destiné à être découpé, si le notaire ne procède à aucune ventilation par lots préalablement à l’achat le lotisseur pourra procéder lui-même à cette ventilation et soumettre la revente de chaque lot à la TVA sur la marge, dès lors que – nonobstant l’absence de surface identique – la nature des biens revendus (en l’occurrence, des terrains à bâtir) sera la même que celle du bien qu’il aura initialement acquis.

Le risque de contestation par les services fiscaux apparait d’autant plus élevé que le ministère des Finances a indiqué ne pas avoir l’intention de modifier sa position, pas plus que de réexaminer le régime de la TVA (Rép. Min. n°00904 à Mme Giudicelli : JO Sénat 7 sept. 2017, p. 2809) ; néanmoins, compte tenu de l’absence de valeur juridique de la doctrine administrative, autant que de l’impossibilité pour l’administration fiscale de l’invoquer à l’encontre des particuliers, le risque de confirmation de cette position parait particulièrement faible.

 

Emmanuel Cruvelier
Docteur en Droit
Fiscaliste.

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